© Paul Ballen
Roger Ballen
Présentation
Roger Ballen naît à New York en 1950, mais c’est en Afrique du Sud qu’il vit et travaille, les trente années suivantes. Son activité de géologue le conduit dans les campagnes de son pays et lui permet d’explorer, appareil photo en main, le monde caché des petites villes sud-africaines. Il commence par arpenter les rues vides dans la lumière aveuglante du soleil de midi, mais c’est une fois qu’il décide de frapper aux portes qu’il découvre un monde, à l’intérieur de ces maisons, qui aura une influence profonde sur son oeuvre. Ces intérieurs avec leurs collections distinctives d’objets et les occupants de ces univers fermés orientent sa vision unique sur une voie qui le conduit de la critique sociale à la création de métaphores du monde de l’esprit. À partir de 1994, Roger Ballen ne cherche plus la matière de ses sujets à la campagne, la trouvant désormais près de chez lui à Johannesburg.
Au cours des trente-cinq dernières années, le style de sa photographie évolue considérablement, sans se départir d’un simple format carré et d’un noir et blanc austère et magnifique. Dans ses premières oeuvres, l’affinité avec la tradition de la photographie documentaire est évidente, mais il développe, dans les années 1990, un style qu’il qualifie de « fiction documentaire ». A partir de l’an 2000, les gens qu’il avait découverts et dont il avait photographié les existences aux marges de la société sud-africaine deviennent une troupe d’acteurs, qui créent, sous la direction de Roger Ballen, des psychodrames puissants dans les séries Outland (2000, révisée en 2015) et Shadow Chamber (2005).
Dans les séries suivantes, Boarding House (2009) et Asylum of the Birds (2014), la frontière entre fantasme et réalité se fait plus poreuse et c’est dans ces séries qu’il fait appel au dessin, à la peinture, aux collages et aux techniques de la sculpture pour créer des décors très élaborés. Dans ces photos, l’absence complète de gens est comblée par des photographies d’individus utilisées désormais comme des accessoires, par des fragments de poupées ou de mannequins, ou bien si des personnes apparaissent, c’est sous forme de mains, de pieds et de bouches pointant, de façon très troublante puisque privés de corps, à travers des cloisons ou des bouts de chiffon. Les scénarios souvent improvisés sont maintenant complétés par le comportement imprévisible des animaux, dont l’attitude ambiguë joue un rôle crucial pour la signification d’ensemble des photos. Durant cette phase, Roger Ballen invente une nouvelle esthétique hybride, toujours solidement enracinée dans la photographie en noir et blanc.
Au fil de sa pratique artistique, Roger Ballen acquiert la conviction qu’il est possible d’intégrer la photographie et le dessin. Il étend son répertoire et déploie son langage visuel. En intégrant le dessin dans ses oeuvres photographiques et ses vidéos, l’artiste apporte non seulement une contribution durable dans le domaine de l’art, mais il produit également un commentaire puissant sur la condition humaine et sa puissance créatrice.
Cette contribution ne se limite pas à la photographie. Roger Ballen crée un certain nombre de courts-métrages, salués par la critique et présentés dans les musées et les galeries, films qui se raccordent à ses séries photographiques. Le film réalisé en collaboration, I Fink You Freeky, pour le groupe-culte Die Antwoord en 2012, recueille 85 millions de vues sur YouTube. Il prolonge son travail dans les domaines de la sculpture et de l’installation, au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris (2017), au Sydney College of the Arts en Australie (2016) et au Serlachius Museum en Finlande (2015), entre autres.
Son projet le plus récent, The Theatre of Apparitions (Thames & Hudson, 2016), et le film d’animation qui y est lié sont inspirés par la vision de sculptures sur bois faites sur les fenêtres condamnées d’une prison de femmes abandonnée. Pour cette série, Roger Ballen emploie, à titre expérimental, de la peinture en bombe sur du verre, sur lequel il dessine ensuite ou racle la peinture avec un objet contondant pour laisser passer la lumière naturelle. Les résultats font penser à des peintures pariétales préhistoriques : les espaces noirs sur le verre, sans dimensions fixes, sont les toiles sur lesquelles il découpe ses pensées et ses émotions.
En février 2017, le nouveau Zeitz Museum of Contemporary Africa à Cape Town nomme son département photographique le Roger Ballen Foundation Centre for Photography, perpétuant ainsi à l’avenir la place de Roger Ballen dans la photographie en Afrique. Thames & Hudson publiera, en septembre 2017, un important volume de ses oeuvres complètes, accompagnées d’un long texte de Roger Ballen, intitulé Ballenesque : A Retrospection.
Traduit de l’anglais par Pierre Guglielmina
Exposition : Le théâtre de l’esprit